Partage d’expériences au sein du groupe de gestion d’étiage : visite des canaux du Haut-Vallespir.
Le groupe de gestion d’étiage rassemble environ 75 personnes (25 gestionnaires de canaux, 4 gestionnaires d’eau potable, EDF, Sterimed, Département, Région, Agence de l’Eau, DDTM, OFB, DREAL, Chambre d’Agriculture, Association Canaux Vallée du Tech, Fédération Pêche, UFC Que Choisir, représentants des loisirs…Il constitue un espace dédié aux échanges, ou chaque usage peut exprimer ses besoins et les argumenter dans un contexte de partage de la ressource. Cela a permis, entre autres, d’aménager des créneaux potagers vivriers en 2023/2024 suite aux arrêtés du Préfet qui les interdisait en Alerte Renforcée. Il est également un lieu privilégié pour l’échange de bonnes pratiques et la recherches de solutions dans un objectif d’amélioration en continu.
Rencontre terrain n°2, 02 aout 2024
Visite du canal Pont Neuf à Arles-sur-Tech
La prise d’eau du canal Pont Neuf est installée à la confluence entre le Tech et un de ses affluents, le Bonabosc. Construit à l’époque médiévale, il permettait de soutenir une arboriculture dynamique sur la ville d’Arles-sur-Tech (essentiellement des reinettes, exportées à l’époque jusqu’en Angleterre et du maraichage). Avant que la crue de 1940 ne la détruise, une forge était aussi alimentée par le canal. Il dessert aujourd’hui un périmètre d’environ 9 ha et rassemble 84 adhérents. A ce jour, comme c’est le cas sur de nombreux canaux à usage exclusivement potager, nombreuses sont les personnes qui ont abandonné la pratique, faute d’eau. Sur ce canal, subsistent seulement une quinzaine de jardins cultivés et les friches sont de plus en plus nombreuses. Une grande partie du volume prélevé serait restitué au Tech en fin de canal d’après les gestionnaires.
Un bureau dynamique et des adhérents volontaires, attachés à leur canal, se débrouillent chaque année pour réaménager le seuil de la prise d’eau qui est emporté à chaque « coup d’eau », désensabler le canal régulièrement et, effectuer les réparations d’entretien et les investissements nécessaires, en régie, pour assurer l’imperméabilité du canal.
Aujourd’hui simplement doté d’une échelle limnimétrique, le canal Pont Neuf souhaite bénéficier de la mise en place d’un compteur en entrée, permettant de connaitre précisément le volume prélevé. Un compteur est aussi souhaité en sortie afin d’estimer le prélèvement net. La difficulté d’estimer le prélèvement d’un canal est réelle car la quantité d’eau qui rentre dépend de la quantité d’eau qui circule dans le cours d’eau. Par conséquent, celle-ci est très variable dans le temps. En fin de visite, les participants ont été invités à estimer « à l’œil » la quantité d’eau circulant dans le canal. Les propositions se sont échelonnées entre 40 et 150l/s. Une mesure à l’aide du courantomètre du Syndicat a permis de conclure : le 02 aout, aux alentours de 10h, le canal Pont Neuf prélevait 46l/s.
Visite du canal Baillie Calcine à Arles-sur-Tech
Le projet du canal Baillie Calcine est conçu dans les années 1850, sur le souhait de la Reine Amélie de se baigner dans la ville qui porte maintenant son nom. Le canal devait pour cela passer en dessous du fort militaire. Lorsque les forces armées locales ont eu vent de l’affaire, elles se sont tout de suite dressées contre le projet, craignant que les Espagnols saisissent l’opportunité pour s’introduire dans le tunnel et faire sauter le fort… Abandonné, le projet est sorti des archives et est réalisé en 1950, cette fois pour l’irrigation. La prise d’eau est aménagée dans le Tech, le canal fonctionne une paire d’années avant qu’un éboulement ne détruise le début du linéaire. Une nouvelle prise d’eau est alors aménagée, plus bas. Elle ne fonctionnait pas bien et ajoutée au coût financier de ce tronçon, un pompage a finalement été mis en place directement dans le Tech pour remonter l’eau dans le canal. A l’origine, ce furent les pompes des mines qui ont été récupérées car puissantes et capables de fonctionner même avec une charge sédimentaire importante dans l’eau. Ce canal dessert aujourd’hui 36 adhérents, dont un agriculteur et dispose d’un périmètre irrigable d’une trentaine d’hectares. La pompe du canal Baillie Calcine est dotée d’un débitmètre. Par conséquent il fait partie des rares ouvrages capables de donner une évaluation précise du volume prélevé dans le cours d’eau.
Une des difficultés majeures à laquelle fait face ce canal est le vol. Pompes, tuyaux, plaques de métal, tout y passe et constitue de loin le poste de dépenses le plus important de l’ASA, qui tente tant bien que mal de barricader son matériel.
Une des particularités de ce canal est que les propriétaires de l’époque ont construit des bassins maçonnés de 10/15m3 permettant de stocker de l’eau pendant le fonctionnement du canal. Ces petites retenues permettaient alors de faire face aux coups durs. 4/5 retenues de ce type seraient présentes sur le linéaire. La bonne entente entre les adhérents a permis de mettre en place un protocole permanent, correspondant au niveau de restriction le plus élevée de manière à ne pas avoir à changer de régime.
Visite du canal Jaubert à Amélie-les-Bains
La matinée se termine par la visite du canal Jaubert, situé sur la commune d’Amélie-les-Bains Palalda. Construit dans les années 1600, il dessert à ce jour 193 adhérents et représente un périmètre de 25ha. La prise d’eau est similaire à celle du canal Pont Neuf, nécessitant les mêmes travaux d’entretien réguliers (désensablement). Le canal est équipé d’une vanne de décharge dont le niveau d’ouverture permet de réguler l’entrée d’eau. Associé à l’échelle limnimétrique, ce système permet de régler l’ouverture du canal de façon à ne faire rentrer que 50% ou 35% du débit total, rendant possible un fonctionnement en continu sous les protocoles mis en place par le groupe de gestion d’étiage. L’installation d’un compteur connecté, également prévue sur ce canal, permettra d’affiner cette gestion.
Les participants ont ensuite pu observer le fonctionnement du dessableur. Il s’agit d’un ouvrage maçonné équipé d’une vanne qui permet de récupérer feuilles et sables de la première partie du canal avant que celui-ci ne devienne sous terrain. La chasse redirige l’eau directement dans le Tech.
Pour conclure, les travaux d’amélioration du canal ont été présentés. Sur une partie souterraine du canal de nombreuses fuites étaient présentes, engendrant des infiltrations d’eau dans les garages de résidences situées à proximité, à tel point que certaines d’entre elles étaient équipées d’une pompe pour se débarrasser de l’eau. L’ASA a monté avec l’aide du SMIGATA un dossier de subvention pour étanchéifier les tronçons fuyards pour un montant estimé des travaux de 80 000 euros.Les travaux devraient permettre d’économiser 118 000m3/an. Une vidéo du nettoyage du canal au niveau du pont du casino est disponible sur le site internet du canal : https://www.asacanaljaubert.fr/
Avant de partir déjeuner, le groupe est allé voir la prise d’eau du canal de Céret situé juste en face des travaux, sur la rive opposée du Tech.